CHARRETTE, nom féminin, désignant dans le cas qui nous intéresse non pas un traîneau simplifié, composé d'un plateau et de 2 roues au moins, tractable à bras d'homme ou harnaché à un animal, mais bien un élément constitutif des études d'architecture (et même du monde professionnel en fait). Variante "être charrette", explications :

Tout d'abord, je tiens à préciser pour la décharge de notre belle profession que nous ne sommes pas les seuls à pratiquer "la charrette". De ce que j'ai pu en juger, pas mal de professions artistiques en sont coutumières également.

En gros, une charrette, c'est quand tu as un projet à rendre, et que, comme d'habitude, tu es à la ramasse niveau timing. En règle générale, tu as beau faire ce que tu veux, bosser régulièrement avant, être sérieux et tout, tu finis toujours par être à la bourre, à être charrette (vous me direz, tant qu'à faire, autant pas être sérieux avant si c'est pour être de toutes façons charrette, autant faire la fête. Ah bah oui mais non ma bonne dame). Ce délicat point fait l'exécrable réputation des archis qui passent pour des feignasses sans nom faisant tout à la dernière minute, se mettant donc charrette. Sachez que concevoir un projet demande énormément de réflexion et du temps de maturation des idées et concepts. Sans rire, tu peux avoir la meilleure idée du monde, il te faudra du temps pour la faire mûrir, c'est indispensable, sinon, tu n'as pas de recul.

Donc en règle générale, tu arrives la semaine d'avant le rendu et là, tu attaques la mise au propre de tes idées, la présentation, bref, le rendu en lui-même. C'est là que la charrette commence. Parce que pour faire un rendu d'archi, en règle générale, c'est un à deux formats A0 en moyenne (un A0 = plein de A4, genre comme 16 A4, ou 8 A3 ou 4 A2 ou 2 A1, bref). Il faut réaliser tous les documents graphiques, plans, coupes, façades, perspectives, 3D, éventuellement maquette, plus la mise en page de tout ça, sans compter qu'en général, la phase réflexion n'est pas finie et que tu la termines durant le rendu, je vous raconte pas le bordel. Donc les nuits se raccourcissent, souvent considérablement, et tu en arrives parfois (souvent) à la fameuse nuit blanche. A titre d'exemple, pour mon projet logement en Janvier dernier, sur les 8 nuits de charrette que j'ai passées, j'ai dormi un total de 8 heures. Une bien belle charrette.

Durant une charrette, ton cerveau fume constamment, tu as une hygiène de vie totalement anarchique, tu manges des pâtes carbo froides toute la nuit pour rester éveillé, tu te douches avant la présentation au jury pour être sûr de pas t'endormir pendant que tu parles, tu te drogues au café/thé/bonbons/guronsan (rayez la mention inutile) pour tenir le choc, tu crises parce que ton PC plante, que tu peux pas aller imprimer à l'heure prévue et que tu as un mal de crâne horrible. En général, tes proches ne te voient pas ou peu puisque tu passes tes journées et tes nuits à bosser. Ton appart devient un bordel sans nom puisque tu ne fais plus le ménage ni la vaisselle ni quoi que ce soit en fait. Par contre, tu étales bien ton bordel pour être à l'aise quand tu bosses. Les calques de plans par ici, les bouquins de références par là, le "rendu de truc muche qu'il était trop beau qu'il faut que je m'en inspire" par ici, la planche à découper, la colle et le balsa par là etc... Ton appart ressemble plus à rien, mais là, tu fonces sous la douche (ça fait gagner une demi heure de sommeil parait-il) et tu cours à l'école pour présenter parce que la correction a commencé depuis 4 heures déjà et que tu dois encore imprimer tes planches. On reconnait les gens "charrette" lors d'un rendu assez facilement. Ce sont soit ceux qui ont des têtes de cadavres, soit ceux qui dorment paisiblement entre deux panneaux de présentation.

C'est pas toujours aussi critique, mais ça arrive relativement souvent (nan parce que maintenant, j'imprime dans les temps et j'arrive à l'heure aux présentations, mais le reste, c'est toujours bon ^__^).

Mais pourquoi "charrette" me direz vous. Parce que d'après mes sources, jadis, les étudiants d'archi, n'ayant pas de voiture, ramenaient leurs planches et maquettes dans des charrettes justement, et qu'il y avait donc les jours de rendu des étudiants à la bourre arrivant relativement pressés avec leur charrette. A en croire mes profs, ça viendrait de là. Il n'en reste pas moins que peu peuvent se vanter d'avoir fait leurs études d'archi sans charrette. Y en a, mais c'est des aliens. Nous autres, gens normaux, on fait des charrettes. On en ch*e, mais finalement, ça fait un peu partie de nos études, on est fier d'en venir à bout, et pis ça fait plein de souvenirs à raconter. Mais sur le coup, qu'est-ce qu'on galère!!

Ca convient comme explications ?