Il est vrai que j'utilise de plus en plus ce terme, et que vous avez dû vous rendre compte que ces deux mystérieuses lettres sont pour moi source d'inspiration mais aussi un peu consommatrices de temps... Mais enfin, le GN, qu'est-ce que c'est ? Encore un truc louche de rôliste ? Eh bien, en partie. Mais pas que.

Commençons par le commencement, car je pense que les courageux qui passent encore ici sont loin d'être tous initiés (et ce n'est pas une insulte <3).
"GN" signifie "Grandeur Nature". Abréviation bien pratique pour "jeu de rôles grandeur nature". Il n'empêche qu'il serait réducteur de cantonner le GN à une simple facette du JdR : certes il reprend le principe de l'incarnation d'un rôle qui n'est pas le sien "dans la vraie vie", mais emprunte aussi au théâtre, à l'improvisation, au spectacle... Et le mélange de tout cela crée bien plus encore.

Le principe : un ou des gentils zorgas décident de mettre leurs idées en commun et d'organiser un GN. C'est un travail de longue haleine, mais, au bout du compte, leur but est de vendre un peu de rêve à leurs joueurs. Ils se mettent donc en quête d'un lieu qui servira à accueillir le fruit de leur imagination, rédigent des intrigues, un contexte, des personnages... Comme au théâtre ou au cinéma. Ils définissent toute une trame (voire un univers) qui cadre le jeu jusqu'au jour du GN : le contexte politique, les intrigues qui ont mené jusqu'au moment où tous les joueurs se retrouveront physiquement, etc... Entre temps, ils préparent des accessoires, des costumes (encore une fois comme au théâtre ou au cinéma), et prévoient la logistique (la restauration, l'hébergement, l'équipe d'aides orgas, ou PNJs (personnages non joueurs, comme en JdR) qui endosseront au fil du jeu tous les costumes/rôles nécessaires à faire vivre le rêve).

Les joueurs, de leur côté, s'inscrivent aux GNs qui leur paraissent intéressants (parfois plus d'un an à l'avance !) et donnent le plus souvent des indications sur ce qu'ils ont envie de jouer ou sont capables de jouer, et, lorsqu'ils reçoivent des infos sur leur personnage (celui qu'ils vont incarner pendant la durée du jeu, qui peut aller de quelques heures à plusieurs jours, la moyenne étant à un WE) préparent leur(s) costume(s), dont la réalisation leur incombe le plus souvent (quelques très rares GNs fournissent les costumes, mais il y a tellement de choses à faire et de frais côté orgas que 99% des GNs demandent aux joueurs de prévoir leur costume... sans compter le plaisir de composer sa tenue, de trouver l'accessoire parfait, d'avoir l'allure qui colle au rôle, de trouver le détail qui tue), et préparent leur rôle : il faut prendre connaissance de sa fiche de personnage, qui nous indique l'histoire, le caractère, les traits physiques particuliers, les compétences spéciales et les objectifs du personnage que l'on va incarner. Suivant les jeux, cette fiche peut tenir en deux pages, ou être à la discrétion du joueur lui-même (avec relecture et adaptations orgas) ou atteindre les 15 ou 20 feuillets très détaillés ! Tout dépend du type de jeu auquel on s'est inscrit, et du rôle qu'on se voit confier. Il n'est parfois pas simple de se couler dans la peau d'un personnage complexe, ou de s’imprégner d'un contexte historique pointu, mais le jeu en vaut toujours la chandelle : plus on maîtrise l'univers de jeu et est à l'aise avec son personnage, plus le jeu est fluide et agréable, et plus on se laisse facilement emporter par les émotions de son personnage !

Le jeu en lui-même, comment ça se passe ?
Les jours ont passé très (trop) vite, vous en êtes encore à peaufiner votre costume et lire les dernières aides de jeu que vous avez imprimées en fraude au boulot pour savoir comment utiliser les règles de magie et, déjà, on arrive au jour du GN ! Il est l'heure de faire sa valise avec tout son barda et de se rendre sur le lieu de jeu. Une plage horaire est donnée aux joueurs pour arriver sur le site. Voiture, train, tous les moyens sont bons pour s'y rendre (même l'avion) car parfois, on choisit de s'inscrire à des GNs à l'autre bout de la France, voire à l'étranger, parce qu'ils ont une super réputation ou que l'asso qui les organise est gage de qualité assurée.
Le site en lui-même peut être extrêmement variable, en fonction du type de jeu auquel on s'est inscrit : simple champ avec ou sans point d'eau, appartement prêté pour une murder, manoir XIXe siècle, véritable château médiéval, fort militaire, château renaissance (quasi palais parfois !), école... tout dépend de l'univers qu'on rejoint et de ce qu'ont loué les orgas.
Une fois sur place, on installe ses affaires (son campement parfois, sa chambre le plus souvent, et on enfile son costume. Après un brief (cadre de jeu, limites à ne pas franchir, règles de sécurité, consignes diverses et variées), le jeu peut enfin commencer.
Vous "n'existez" alors plus : vous "êtes" votre personnage, pleinement et entièrement, jusqu'à la fin du GN.
Il y a peu de situations "hors jeu" : parfois la nuit est considérée HJ, mais parfois non, certaines situations sont "symbolisées" par des actions HJ (comme certaines actions de combat, le crochetage de serrure...) et en cas de souci de sécurité, bien évidemment, fini de jouer. Le reste du temps, vous "êtes" votre personnage : vous êtes habillé comme lui, vous parlez comme lui, vous vous comportez comme lui (en sachant que ça reste un jeu hein ^^). Ses objectifs et manigances deviennent les vôtres, ses amis indéfectibles sont à vos côtés, et ses ennemis deviennent des cibles à toucher, que ce soit par la ruse, la force ou l'intimidation.
Et ce qui est formidable, c'est que tout le monde fait pareil ! Les interactions sociales deviennent alors la clé pour avancer dans les intrigues, et échanger avec les autres personnages vous permet d'enquêter, de comprendre ce qui se passe, de sauver le monde ! Vous allez réellement fouiller dans la vieille bibliothèque, vous vous aventurez vraiment dans un souterrain à la lueur de votre bougie, vous vous cachez vraiment dans la forêt pour échapper aux gardes qui vous traquent !
Vous êtes le héros de votre propre histoire, que vous vivez "réellement", à quelques subterfuges près, et il en est de même pour tous les joueurs présents ! Pendant ce temps, la "timeline" générale du jeu se déroule aussi : la situation pré-établie par les organisateurs évolue : certains évènements sont prévus (enterrement de papy, couronnement du roi, attaque des gobelins etc...) mais d'autres se greffent là dessus en fonction des actions des joueurs. Toutes vos actions dans le jeu peuvent avoir un impact sur la trame prévue. Vous avez la possibilité d'influer sur le destin du jeu : le challenge pour les organisateurs est de réussir à maintenir l'ambiance et la tension tout au long du jeu bien qu'ils ne maîtrisent pas du tout les actions que vont faire les joueurs !

Il existe autant de types de jeux que d'associations de GN, voire d'équipes d'organisateurs : certains préfèreront mettre en avant l'action et l'adrénaline, d'autres les intrigues de coeur, d'autres encore les magouilles politiques ou l'ambiance la plus immersive possible. Charge aux orgas d'annoncer correctement leur GN pour savoir dans quelle catégorie ils se positionnent pour que les joueurs qui s'y inscrivent ne le fassent pas par erreur et qu'ils y trouvent ceux qu'ils cherchent (un fan d'action à l'épée médiévale (en latex... sécurité !) risque d'être un peu perdu dans les intrigues de fesses victoriennes, se dénouant autour d'une tasse de thé grâce à une langue acérée, et inversement, un aficionado du jeu politique risque d'être un peu perdu dans une bataille rangée viking s'il n'a pas été prévenu avant de s'inscrire).

Le point commun de tous ces jeux est l'incarnation d'un rôle, au milieu d'autres joueurs dans le même cas, et dans un un site adapté à l'occasion, autour d'une trame et d'évènements prévus par les orgas/scénaristes. Ensuite, c'est à chaque joueur de savoir ce qu'il recherche. Et quand on sait cibler ses attentes, on n'est jamais déçu (pour ainsi dire).

La fin de jeu peut se dérouler de plusieurs manières. Soit sur une scène un peu théâtralisée prévue par les orgas, soit à une heure définie (à midi le dimanche, le convoi repartira, quoi qu'il arrive...), soit de manière un peu plus brusque, par une annonce HJ des orgas. On sort alors de son rôle, on rit, on pleure, on se congratule, on essaye d'émerger du rêve éveillé qu'on a fait pendant deux jours, on raconte ses exploits (vu que chacun est le héros de sa propre histoire, personne ne peut suivre tout ce qui se passe, pas même les orgas, ce qui est parfois frustrant après des mois de préparation d'intrigue ^^). On se remercie les uns les autres, on fait une hola aux orgas et on songe déjà à se revoir, à organiser une bouffe, à rejouer ensemble sur un prochain GN voire, à jouer la suite. Souvent, il y a un petit debrief qui permet de comprendre l'intrigue de fond (tous les joueurs ne s'y seront pas intéressés), on explique ce qui s'est passé, ce qui a été raté, ou brillamment réussi... Au final, il n'y a pas de gagnant ou de perdant : on vient vivre une tranche de vie. Parfois, il faut sauver le monde, mais si on échoue, tant pis.
Dans tous les cas, on aura gagné de chouettes moment de roleplay, parfois de l'émotion intense et pure (je vous assure avoir senti mon coeur battre la chamade lors de l'aval de futur beau papa pour mon mariage avec mon amour éternel mais interdit, avoir eu une sacrée frousse lorsque tel monstre est sorti des ténèbres, avoir sincèrement ri à des blagues tout à fait "en jeu", avoir ressenti la tension d'échanges de haut vol entre politiciens victoriens ou la moindre bévue verbale signifie honneur bafoué...).
Un peu remis de ses émotions, on retire le costume (à regret, souvent), on range son barda, et retour à la maison. Là, suivant l'intensité du GN, on s'expose ou non à un dur retour à la réalité. Un GN sympa mais sans plus vous aura fait passer un bon WE, au pire avec des copains, et vous reprendrez le boulot lundi fatigué (on dort peu en GN) mais content. Un GN ultra immersif et fort en émotions et/ou en belles rencontres ("en jeu" comme "HJ" le plus souvent) va vous refiler un foutu GN blues qui va parfois mettre plusieurs semaines à vous quitter. C'est un truc de dingue. Ca paraît idiot dit comme ça, mais on n'a vraiment pas envie que la magie s'arrête, et reprendre son quotidien est parfois difficile. Heureusement qu'il y a internet, les forums pour en reparler, facebook pour y tchatcher avec la kyrielle de nouveaux copains, et les bouffes entre "anciens", et les WE retrouvailles, et les GNs suivant et... bref, il n'y a plus qu'à recommencer. Pirates, victorien, Star Wars, Potter, Post apo, médiéval, fantasy, historique ? Il n'y plus qu'à choisir sa prochaine destination...


Quelques liens utiles :

> La FédéGN, fédération nationale qui s'efforce de regrouper un maximum d'infos sur le GN et les associations qui le pratiquent. Très utile : le calendrier qui annonce les jeux à venir (même s'il n'est pas vraiment exhaustif, plein d'assos restant indépendantes ou récalcitrantes).
> GN de l'Est : regroupement des assos de l'Est de la France (qui ne sont pas sur FédéGN la plupart du temps).
-> Quelques sites de grosses assos de GN que je connais (ça vous permet d'aller flâner sur les galeries, pour les curieux) : ROLE, RAJR, Clepsydre... Il y en a beaucoup d'autres, et beaucoup de plus petites, mais ça donne déjà un aperçu.
-> le blog ElectroGN, qui commente les GNs passés, tease sur ceux à venir, débat sur la théorie du GN, le tout dans la bonne humeur.
-> quelques exemples de boutiques qui vendent du matos de GN (armes spécifiques, costumes)... Encore une fois, loin d'être exhaustif, mais bon : Le chant des louves, Karfax, l'atelier du GN, LRP Store, Gentleman's emporium... Vous trouverez une paire de liens sur mon delicious.

Voilà, j'espère qu'avec tout ça j'aurai aidé les icelanders néophytes et, qui sait, peut-être donné envie à certains de se lancer. Dans tous les cas, je reste bien entendu à votre disposition si vous avez des questions, via les commentaires !